L’IA ET LE FUTUR DES EMPLOIS

Nous sommes à l’aube de grands changements voire même de bouleversements dans la redéfinition du travail pour tous les types de postes et secteurs.

 

 

 

 

 

 

Dans cette nouvelle ère de l’IA qui progresse à une vitesse fulgurante, la gestion du changement, la capacité de s’adapter et la littératie numérique seront de mise pour évoluer dans la société.

Le Financial Times a récemment publié un article intitulé ‘Sam Altman, the AI executive with an eye on the risks’, où le PDG d’OpenAI, Sam Altman, s’est présenté pour témoigner à Capitol Hill, Washington en rappelant que si l’IA n’était pas correctement contrôlée, elle pourrait entraîner des conséquences troublantes pour l’humanité alors qu’il appelait à une réglementation de l’IA et admettait, avec un euphémisme désarmant:

« If this technology goes wrong, it can go quite wrong. »

– Sam Altman, CEO, OpenAI

L’École des dirigeants – HEC Montréal a tenu le webinaire ‘Robots et IA : allons-nous tous perdre notre emploi ?’ le 17 mai 2023, avec les panélistes Valérie Pisano, Présidente, Mila – Institut Québécois d’IA, Joé T. Martineau, Professeure agrégée à HEC Montréal et Alexandre Le Bouthillier, Cofondateur et associé à Linearis.

« La vitesse à laquelle tout se développe et les risques qui y sont reliés sont inquiétants » affirme Valérie Pisano. L’IA a une capacité formidable; « c’est maintenant impossible de distinguer entre ce qui est produit par l’IA et l’homme (ex. : photos, vidéos…) ».

Joé T. Martineau indique que des enjeux majeurs sont à gérer, qu’un débat éthique, social et économique de grande envergure est à nos portes, que les tâches vont être transformées et que nous allons devoir nous réinventer.

Différents types d’IA existent et certaines de ces technologies causent problème, notamment l’IA générative et les utilisations malveillantes et malintentionnées avec un risque de double usage (ex. propagande). « En ce moment, il n’y a pas de contrôles! » affirme Joé T. Martineau.

En revanche, Alexandre Le Bouthillier mentionne que le personnel de la santé aimerait que ceci se développe plus rapidement. « En recherche, c’est extraordinaire; en radiologie, les avancées sont énormes. »

« Du côté de la santé, ça va sauver des vies! »

– Alexandre Le Bouthillier, Linearis

Que deviendra le marché du travail?

L’IA va transformer le marché du travail. On parle de gain de productivité, mais aussi que tous les domaines seront touchés, certains moins que d’autres et que des secteurs sont voués à disparaître ou à être réduit.

Valérie Pisano précise qu’il y aura des cycles d’évolution, qu’il faudra repenser notre façon de s’organiser, faire preuve d’autocritique et avoir une énorme capacité à changer et à se réinventer. Les plus grands changements se distinguerons dans la gestion des ressources humaines.

Plusieurs questions se posent indique Valérie Pisano : comment éviter la désinformation et comment bien remplacer les emplois? Sans parler des questions juridiques et les sources de données. Il faudra donner des outils « à vie » pour la gestion du changement. Il faudra se ressourcer, apprendre à apprendre. La résilience humaine sera aux premières loges.

« Le marché du travail sera bouleversé » affirme Joé T. Martineau; « il va y avoir des pertes d’emplois, mais aussi des créations d’emplois ».

Le Forum économique mondial dans son ‘Rapport sur l’avenir de l’emploi 2023’, chiffre à 14 millions les pertes nettes d’emploi dans le monde d’ici à 2027. L’intelligence artificielle et les conditions économiques et sociales devraient occasionner 83 millions de destructions de postes, pour seulement 69 millions de créations sur les cinq ans à venir.

Le problème est qu’il y a une inadéquation sur le marché de l’emploi; « il faut également penser à la requalification des travailleuses et travailleurs, qui risque d’être une transition difficile – il faut peut-être réfléchir à l’emploi comme étant une responsabilité sociale des entreprises », mentionne Joé T. Martineau.

Comment agir à titre de gestionnaire?

« La gestion du changement sera importante » indique Joé T. Martineau, il faut avoir une pensée globale et pas uniquement sur les gains numériques et il faut exercer son esprit critique en soulevant la question « faut-il établir un code d’éthique international? ».

Valérie Pisano ajoute qu’il faut maintenant faire des choix, que tous les gestionnaires doivent s’informer et que la fonction RH sera complètement changée, voire réinventée;

« On est à l’heure des choix, on donne quelle place à l’IA? »

– Valérie Pisano, Mila

Faire l’inventaire des données est inévitable, mais une fois cet inventaire réalisé, comment bien les utiliser ces données. La responsabilité est grande quant à leur fiabilité. Tous s’entendent pour dire qu’il y a des risques, des impacts et des enjeux éthiques, surtout quant à leur utilisation malveillante.

Et quel sera l’impact de l’IA sur les RH?

Dans l’article ‘L’intelligence artificielle s’invite dans la gestion des ressources humaines’, publié en avril 2022 par Jean-François Venne dans la Revue Gestion – HEC Montréal, Xavier Parent-Rocheleau, CRHA et professeur adjoint au Département de ressources humaines – HEC Montréal, précise que le principal intérêt de l’IA demeure de pouvoir traiter une grande quantité de données et d’identifier des tendances qui pourraient échapper à l’humain.

En ce sens, l’intelligence artificielle peut aider à améliorer certains processus, « mais elle ne doit pas servir à retirer le contrôle et la prise de décisions des mains des professionnels des ressources humaines ».

L’IA et la réglementation

L’IA progresse à une vitesse si fulgurante que les contrôles et la réglementation n’ont pas suivi cette évolution et c’est maintenant un besoin criant. Les acteurs principaux de l’IA, incluant Elon Musk, clament pour un ralentissement de cette cadence pour permettre l’encadrement approprié et nécessaire de l’IA, surtout des systèmes de type IA générative.

D’ailleurs, Yoshua Bengio, Professeur titulaire à l’Université de Montréal et fondateur et directeur scientifique de Mila – Institut québécois d’IA, publiait sur son bloque; « J’ai récemment accepté de signer une lettre ouverte proposant un ralentissement du développement des systèmes d’IA géants plus puissants que GPT-4, ceux qui passent actuellement le test de Turing et peuvent donc tromper un être humain en lui faisant croire qu’il converse avec un autre être humain et non avec une machine. »

« À court terme, la réglementation est essentielle. »

– Yoshua Bengio, Fondateur, Mila – Institut québécois d’IA

Sur cette même lancée, un article publié dans The New York Time le 27 mai 2023, intitulé ‘Canada Needs to Hurry on A.I. Oversight, Experts Warn’, prône pour la surveillance de l’IA stipulant que deux des trois parrains de l’IA, des professeurs basés au Canada – Geoffrey Hinton de l’Université de Toronto et Yoshua Bengio de l’Université de Montréal – appellent une pause dans le développement de l’IA, car les mesures d’un projet de loi sur l’intelligence artificielle n’entreront que trop tard en vigueur en 2025 au Canada.

Au moment où nous écrivions ces lignes, un groupe de chefs d’entreprises, dont Sam Altman, publiait une déclaration que des menaces « d’extinction » pesaient sur l’humanité. « La lutte contre les risques liés à l’IA devrait être une priorité mondiale… » ont écrit les signataires sur le site Center of AI Safety.

Cette déclaration fataliste surprend, mais un fait est certain, l’IA est maintenant incontournable et les répercussions se feront sentir dans toutes les sphères de la vie, incluant dans la redéfinition et l’éclatement de tous les types d’emplois.

 

Stéfanie Rochford, CHRP, CRHA Présidente, Rochford Recherche de Cadres  

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